Lorsque l’on est formateur, il y a deux manières de comprendre la phrase de l’Irlandais George Bernard Shaw, en apparence lapidaire : « Celui qui peut, agit. Celui qui ne peut pas, enseigne ». 

La première consiste à se regarder soi-même comme un enseignant « qui ne peut pas ». Un incompétent sorti du terrain pour être d’une certaine façon placardisé sur une estrade. Quelqu’un qui serait réduit au « faites ce que je dis et pas ce que je fais » par une incapacité viscérale à incarner son discours. 

La seconde interprétation possible consiste à considérer qu’une action de formation est réellement une action et que le formateur, qui mène cette action, appartient donc au nombre de ceux qui « peuvent ». 

Cette alternative interprétative, au-delà de la piqûre éventuelle faite à votre amour-propre, recouvre une question fondamentale sur le plan pédagogique : celle de votre positionnement en tant que formateur. Êtes-vous un sachant qui enseigne ou bien un homme/une femme d’action ?

Entrons si vous le voulez bien dans le détail de cette distinction. 

Formateur ou facilitateur ?

Enseigner, c’est adopter la posture traditionnelle du formateur dépositaire du savoir. Un schéma où la transmission est 100% verticale et descendante. Une posture dans laquelle le groupe importe peu puisque les interactions ne sont pas privilégiées et que la connaissance émane directement du formateur.  

Voilà pour le premier tableau.

Être dans l’action pour un formateur, c’est choisir au contraire, comme leur nom l’indique, les pédagogies « actives ». Glisser de l’information brute à la formation à proprement parler. Dans ce nouveau paradigme, « ce n’est pas le savoir qu’il s’agit d’inculquer, c’est la personne qui doit arriver à son propre épanouissement » (Max Stirner). C’est le pari de l’intelligence collective ; la « stigmergie » coopératrice où chacun coconstruit le contenu de la formation. La transmission y est ascendante puisque c’est l’expérience, suivie de l’observation et de la réflexion, qui permet aux apprenants de formuler eux-mêmes les notions. 

Des outils comme la ludopédagogie, l’ice-breaker, le brainstorming, la pairagogie, la classe puzzle, les communautés apprenantes, etc. s’inscrivent tous évidemment dans cette dynamique, mais c’est d’abord le jeu des questions/réponses qui est la marque distinctive de la pédagogie active. Cette invitation à penser hors du cadre. A dépasser les stéréotypes en confrontant les apprenants aux interrogations implicites qui découlent de leurs propres raisonnements et leur révéler par une maïeutique appropriée ce qu’ils connaissent sans le savoir.  

On comprend mieux, d’après cette définition, que les pédagogies nouvelles s’apparentent toutes pour ainsi dire à des pédagogies actives et que le sarcasme de George Bernard Shaw, formulé il y a plus de 80 ans, s’adresse à une catégorie « d’enseignants » aujourd’hui en voie de disparition. 

Dans notre contexte actuel, et même s’il n’en a pas le titre, le formateur tient toujours plus ou moins le rôle d’un « facilitateur ». En tant que tel, il n’enseigne plus, au sens docte du mot, mais puise au sein du groupe lui-même les compétences qu’il transmet à chacun de ses membres. Sa mission consiste ainsi à créer les conditions favorables à l’émergence de l’intelligence collective dans une logique où les apprentissages sont le fruit des interactions.    

Du reste : attention aux raccourcis intellectuels (les neurosciences disent des « biais cognitifs »). Choisir la facilitation ne veut pas dire céder à la facilité ! Le rôle de facilitateur, en apparence plus effacé, est en réalité plus subtile que celui de sachant. Il s’agit effectivement, à chaque nouvelle session, de saisir avec finesse la vie organique du groupe d’apprenants pour mieux actionner les différents leviers de la dynamique collective afin de donner à une somme d’individus la possibilité de progresser les uns par les autres.

Ce positionnement différent présente en outre l’avantage de laisser une trace mémorielle plus profonde chez vos apprenants. Pourquoi ? Parce que les neurosciences démontrent l’importance de l’expérience concrète et du lien social pour la pérennité des apprentissages.   

S’il y a une leçon à retirer de cet article, c’est que l’avenir de la formation est dans le renoncement total à l’enseignement tel que défini ici pour se porter volontairement à la rencontre des apprenants et, en confrontant les idées des uns et des autres, susciter de formidables étincelles !

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thodes_en_p%C3%A9dagogie_active

https://osonsunepause.fr/2020/11/30/cest-quoi-etre-un-formateur-facilitateur/

https://www.cnfce.com/dossier/intelligence-collective-principes-enjeux-developpement