Le concept de « jigsaw classroom » ou « classe puzzle » conçu à l’origine aux Etats-Unis pour lutter contre les préjugés raciaux permet aujourd’hui, une fois transposé dans le monde de la formation professionnelle, de créer un groupe d’apprentissage efficient où les interactions sont facilitées et la communication mise à l’honneur.
Cette communauté d’apprenants que chaque participant co-construit offre ainsi qu’on va le voir de nombreux avantages.
Un peu d’histoire
Le psychologue américain Elliot Aronson propose en 1971 une nouvelle technique d’apprentissage coopératif pour briser les inégalités et préjugés scolaires qui font suite à la ségrégation raciale.
Concrètement, il s’agit de réussir l’intégration dans le groupe classe des élèves issus des minorités ethniques en donnant à chaque élève, quelle que soit son origine ou son niveau scolaire, un rôle également important dans l’accomplissement d’un travail collaboratif.
Les effets observés de cette méthode se sont révélés extrêmement positifs, contribuant à la fois à favoriser l’inclusion des élèves minoritaires et augmenter leur estime d’eux-mêmes, si bien que l’impact du jigsaw classroom sur la déségrégation de la société américaine a élevé Aronson au rang des psychologues les plus importants du XXème siècle.
Comment ça marche ?
La classe puzzle se déroule en trois actes.
Premier acte : l’enseignant (ou le formateur) divise en éléments la notion à travailler de telle manière que chaque élément soit étudié par un nombre égal d’élèves. Au cours de ce premier acte, chaque élève ou participant analyse individuellement l’élément qui lui a été confié.
Deuxième acte : les élèves (ou participants) se réunissent en unités de travail avec tous les membres du groupe qui ont reçu en partage le même élément. Ensemble, ils confrontent leurs idées et préparent collectivement une restitution.
Troisième acte : ces nouveaux experts se séparent et rejoignent les experts des autres éléments pour former d’ultimes groupes de travail. Dans ce dernier noyau figure chaque fois un seul expert de chaque élément. A lui revient, comme à un porte-parole, de restituer le travail accompli à l’acte II. Lorsque tous les éléments ont été restitués, le puzzle de la notion est recomposé et l’exercice est terminé.
La classe puzzle en formation
Comment adapter ce schéma en formation ?
La première chose à faire est de choisir une notion qui se prête à la classe puzzle. La notion en question doit être divisible en éléments de difficulté et d’importance équivalentes. Par exemple, les paragraphes d’un article de loi dans le cadre d’une formation réglementaire ou différents exemples d’une même notion (différents risques psycho-sociaux, différentes techniques de vente, etc.).
Il faut ensuite diviser le groupe d’apprenants en sous-groupes de même taille (4 groupes de 3, 3 groupes de 5, etc.) en fonction du nombre d’éléments définis à l’étape précédente.
Il faut veiller à ce que chaque participant dispose d’un temps de parole effectif au sein du groupe d’experts (cf. acte II). En effet, malgré une organisation garantissant in fine une place à chaque individu, le risque subsiste de voir à ce stade un leader un peu envahissant imposer le silence à son groupe de travail.
Il faut également s’assurer, avant d’enchaîner sur le troisième acte, que chaque expert possède bien les éléments à restituer, soit en jetant un œil aux notes manuscrites ou en demandant à tel ou tel de reformuler. Il serait effectivement contreproductif de mettre un apprenant en délicatesse en lui demandant de restituer des informations mal digérées…
A titre indicatif, il faut compter 10 à 15 minutes de travail préparatoire (acte I), 10 à 15 minutes de travail avec le groupe d’experts (acte II) et 20 à 30 minutes pour la restitution finale (acte III).
Dans quel but ?
Il n’existe plus, heureusement !, de ségrégation au sein d’un groupe d’apprenants. La classe puzzle demeure malgré cela un outil d’inclusion, permettant à chaque apprenant de devenir concrètement participant.
L’exercice permet également de créer une dynamique de groupe particulièrement intéressante puisque, lors de la restitution finale, elle pose chacun des membres en expert d’un domaine spécifique. Chacun juge ainsi favorablement de son voisin et se sent valorisé en retour.
Enfin, les neurosciences sont formelles : les apprenants s’emparent davantage d’une notion lorsqu’ils sont en situation de la transmettre et la mémorisation long terme s’en trouve renforcée. Que demander de plus ?