On n’arrête pas le progrès !
La phrase d’Aldous Huxley citée plus haut apparaît à première vue comme une remise en cause lapidaire de l’enthousiasme des Lumières pour le progrès scientifique. En gros : si la science déplace des montagnes, elle ne les fait pas pour autant disparaître, mais les dépose ailleurs en travers de notre chemin…
Pourtant : on peut voir aussi dans cette phrase l’idée que la technologie nous lance un défi. La révolution numérique, et notamment l’IA, oblige ainsi les hommes du XXIème siècle à quitter une certaine zone de confort héritée du passé. Les anciens codes sociaux, les anciens métiers, les anciennes organisations du travail, tout est soudain remis en cause par l’émergence accélérée de cet informatique à l’incroyable potentiel. Cet ordinateur aux mille facettes qui nécessite une refonte périodique de notre fonctionnement sociétal et une adaptation permanente de notre économie. Une technologie à double tranchant qui, selon une étude du groupe Cegos, menacerait 47% des emplois actuels d’une obsolescence rapide.
C’est dans cette menace que réside précisément le défi. L’invitation à aller de l’avant ; à défricher l’inconnu.
Conduire son propre changement
La formation continue occupe une place particulière dans cette révolution imposée par la machine puisque, tout en ayant pour vocation d’accompagner ce changement, elle est elle-même concernée par l’obligation de réinventer constamment sa pratique professionnelle. Elle est ainsi dans le cas d’un médecin qui devrait s’appliquer à lui-même le traitement qu’il prescrit aux autres dans le cadre de son métier.
Démarches en ligne, application CPF, présence sur les réseaux sociaux, site Internet, mises à jour informatiques, digitalisation de la formation, utilisation d’un LMS, feuilles d’émargement numériques, nouvelles pédagogies, etc. Un formateur indépendant, en 2024, est confronté quotidiennement aux innovations technologiques et à l’importance de se tenir à la page.
Placé dans cette situation, la première chose à faire est d’accepter l’idée de remettre en cause son mode de fonctionnement. Se détacher de ses habitudes pour devenir plus facilement celui que l’on pourrait être. Car comme le disait Bouddha : « le changement n’est jamais douloureux. Seule la résistance au changement est douloureuse ».
Les modèles de Leavitt et de Lewin
Le diamant de Leavitt (du nom du psychologue américain Harold J. Leavitt à l’origine de cette théorie) postule que toute entreprise combine les quatre mêmes composantes, à savoir : les individus, les tâches, l’organisation et la technologie.
Ces quatre composantes sont intrinsèquement liées, si bien qu’une modification sur l’une d’entre elles, quelque minime qu’elle soit, a inévitablement un impact sur les 3 autres. En l’occurrence, une modification d’ordre technologique nécessite une formation et un temps d’adaptation pour les individus. Pour les tâches, elle engendre une transformation des missions et une redéfinition des objectifs. Enfin, pour l’organisation, elle amène des création/suppression de postes, l’appel à des prestataires/des fournisseurs, etc.
Pour que le changement se déroule harmonieusement, il faut anticiper ces répercussions en chaîne et pour cela, analyser en amont la manière dont les 4 composantes du diamant de Leavitt s’articulent et interagissent au sein de notre entreprise.
La conduite du changement à proprement parler ou « change management » exige également une méthodologie spécifique.
Un autre psychologue américain, Kurt Lewin, distingue 3 étapes : unfreeze, change et refreeze. Il compare ainsi une organisation à un bloc de glace. Le bloc, sculpté par les habitudes, a une forme précise.
- Dans la première étape du changement, le bloc de glace fond, c’est-à-dire qu’on lui conteste sa forme primitive. Concrètement, on identifie le besoin de changement/l’urgence de s’adapter à un nouveau contexte. Le bloc redevenant malléable, on définit alors des objectifs et des délais. Pour que le changement opère correctement, il faut bien entendu que ces objectifs et délais soient réalistes au regard des moyens humains, financiers et organisationnels qui sont les nôtres.
- Dans la deuxième étape, le changement remodèle le bloc. On élabore le plan d’action et on mène les actions planifiées (formation, acquisition de matériel, etc.).
- Enfin, dans la dernière étape, le bloc de glace se reconsolide. On suit alors les résultats de la conduite du changement au moyen d’ICP (Indicateurs Clés de Performance) ; outils de mesure concrets, puis on ancre le changement, c’est-à-dire qu’on fige de nouveau le bloc pour éviter que les vieilles habitudes ne réapparaissent.
En conclusion
Conduire ce changement, année après année, dans notre activité de formateur, voilà le défi que la technologie nous force à relever, car ce n’est pas à l’outil de se faire à la main, mais bien à la main de se faire à l’outil.
C’est d’ailleurs notre métier de savoir regarder ce changement inéluctable comme une constante opportunité de progression. Lorsque l’on travaille à la construction d’une société apprenante, on ne saurait effectivement trop se réjouir de l’existence d’une dynamique extérieure imposant à toutes les organisations de demeurer perpétuellement en mouvement !
https://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/conseils-carriere/quest-ce-que-la-conduite-du-changement-en-entreprise
https://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1494837-obsolescence-des-competences-comment-identifier-les-salaries-concernes/
https://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/conseils-carriere/detail/article/jose-pas-demander-mais-que-sont-les-kpi.html
https://www.manager-go.com/gestion-de-projet/dossiers-methodes/diamant-de-leavitt
https://www.manager-go.com/gestion-de-projet/le-changement-par-lewin.htm