CPF : le ticket modérateur fixé à 100€

Ca y est : la participation forfaitaire a été mise en place. A partir du jeudi 2 mai, les salariés et travailleurs non-salariés devront débourser 100€ pour bénéficier d’une formation dans le cadre de leur CPF.   

Pour ceux qui ont suivi les épisodes de cette déplorable saga, il s’agit à la fois d’une mauvaise et d’une bonne nouvelle.

Mauvaise, si l’on considère que cette participation est abusive. Et, de fait, les titulaires d’un compte CPF n’ayant accès qu’à des sommes effectivement cotisées, il n’existait aucune raison valable pour que ceux-ci ne puissent continuer à jouir gratuitement de leur pécule. 

Mais c’est également une bonne nouvelle, car les besoins en argent engendrés par le déficit abyssal de France compétences (on parle d’un milliard d’euros…) laissaient présager un reste à charge beaucoup plus conséquent. 

On redoutait ainsi, à l’automne 2022, un reliquat de l’ordre de 20 à 30% ! En février dernier, le taux était en baisse, mais Bercy parlait encore de 10%. De quoi détourner plus d’un travailleur de l’apprenance dans un moment où toute l’économie française est précisément à réinventer (France Travail estimant que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore). 

La bonne nouvelle réside surtout dans le fait qu’un certain nombre d’utilisateurs ne sont pas compris dans cette obligation. Ainsi :

-       les demandeurs d’emploi,

-       les salariés victimes d’une invalidité permanente de plus de 9% (à titre indicatif, la CDAPH considère, sauf cas particuliers, qu’une personne est travailleur handicapé si son pourcentage d’invalidité est supérieur à 50%),

-       les salariés victimes d’un accident professionnel ou d’une maladie du travail qui font usage de leur abondement, 

-       les salariés en reconversion, lorsqu’ils décident de mobiliser tout ou partie de leur compte prévention,

-       les autres salariés, dès lors que la formation a fait l’objet d’un abondement par l’employeur (traduisez : lorsque le solde CPF du salarié est insuffisant pour la formation visée).

Pour les autres, ils n’auront d’autres recours que de solliciter leur employeur ou leur OPCO dans l’espoir de voir leur 100€ pris en charge.

La somme d’ailleurs est susceptible d’évoluer puisque le décret n°2024-394 du 29 avril précise que le montant de la participation forfaitaire sera réévalué chaque année en fonction de l’inflation…

Premiers calculs

Le principe d’une participation fixe, par préférence à un pourcentage, s’avère a priori plus avantageux pour l’utilisateur. Il entraîne néanmoins des différences importantes. Ainsi, si 100€ représentent seulement 1,25% du prix de la formation pour un travailleur peu qualifié ou en situation de handicap qui mobiliserait en une fois la totalité de son plafond (8000€), il représente en revanche 8,4% du coût moyen d’une session de formation achetée à ce jour via l’application (1190€).

A l’aune de cette nouvelle règle, les formations les moins chères deviendront paradoxalement les moins rentables pour les apprenants puisque les 100€ demeurant à leur charge représenteront un pourcentage plus élevé de la note finale.  

Quelques pistes de réflexion

Suite à l’annonce du gouvernement, les dirigeants de Lingueo ont lancé un appel à la mobilisation pour les organismes de formation. L’idée ? Mettre en place un fonds de solidarité pour les apprenants concernés par le reste à charge, sous réserve qu’ils se présentent effectivement à leur certification. Un remboursement au prorata de la réussite a été évoqué. Reste à voir désormais si et comment les professionnels de la formation répondent à cet appel…  

Pour les OF, justement, l’instauration de ce ticket modérateur peut amener selon nous deux conséquences très différentes.

D’un côté, il est possible qu’une partie des apprenants désertent l’application et que certaines formations (paradoxalement les moins chères) deviennent plus difficiles à vendre. En effet, en juillet dernier, une étude de BVA People consulting indiquait qu’un actif sur deux estimait qu’un reste à charge obligatoire compromettrait son projet de formation.

D’un autre côté, il est possible que cette contribution forcée ait des effets bénéfiques sur le décrochage. En effet, l’apprenant qui aura payé 100€ sur ses fonds propres y réfléchira certainement à deux fois avant de jeter l’éponge…

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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